Dès lors qu'affubler un texte du
qualificatif « sacré» le rend intangible, et qu'il
devient l'infaillible « parole
divine », pourquoi faut-il si longtemps pour
comprendre que non, décidément non, aucun écrit n'est sacré.
Les textes premiers, révélateurs d'une
culture ou fondateurs d'une religion, sont vénérables. Ce sont les plus précieux des patrimoines de l'humanité. Il est de notre devoir collectif
de les conserver, de les reproduire, et, si c'est possible, les dégager de toute altération postérieure à leur premier jet dont on
est loin et souvent très loin de disposer aujourd'hui. Et
tous sont dignes d'être étudiés. Là-dessus, il n'y a guère de discussion tant qu'un fanatisme religieux ne vient s'y mêler.
Mais il se trouve que,
parmi les textes les plus anciens, plusieurs sont fondateurs de religions. Ils reprennent
les paroles d'un ou de plusieurs personnages prestigieux, transmises
initialement par voie orale, dans une langue qui n'existe plus ou dans une
langue différente de celle des textes les plus anciens dont nous disposons
aujourd'hui. Pour les religions respectives, ces
personnages sont des « inspirés », prophètes, bodhisattvas, ou Fils de
Dieu, auxquels chaque religion attribue sa propre fondation.
Toutes les religions ont
eu, et souvent ont encore, leurs intégristes qui prennent volontiers comme incontestables
« paroles de Dieu » certaines des paroles transcrites
dans les textes, déclarés fondateurs toujours un certain temps après la
disparition de l'inspiré. Il est arrivé qu'à certaines périodes de leur histoire,
l'interprétation littérale soit la seule tolérée par les autorités
religieuses concernées. Il
est aisé d’en retrouver les traces bien longtemps après que cet intégrisme ait
cessé de dominer. Un exemple sera pris dans l'actuelle liturgie catholique: Comment peut-on qualifier de « parole de Dleu » des textes bibliques qui ont parfois été
écrits par un personnage précis* ou qui sont, plus souvent, des traductions de textes
écrits aux premiers siècles de notre ère à partir de textes plus anciens écrits
dans, une langue disparue, textes eux-mêmes
issus d'une tradition orale, transmise, dans le meilleurs des cas durant plusieurs dizaines d'années**, voire pendant des siècles*** ?
Ainsi les écrits rattachés
à l'origine des religions monothéistes restent souvent intouchables et indiscutables,
sinon totalement, du moins dans les parties déclarées essentielles par les
religieux. « On ne peut en retirer un iota ». - Celui à qui cette phrase est attribuée n'a-t-il
pas suffisamment pris de liberté par rapport à la Loi dont il est question pour
que l'on comprenne enfin: « que la lettre tue» et que seul « l'esprit vivifie» ? -
Est-il nécessaire de
revenir ici sur les horreurs commises au cours de l'Histoire par des religieux
au nom de textes sacralisés, voire au nom des inspirés dont ces textes sont
censés reproduire la pensée, alors même que ces inspirés avaient été des libérateurs
de l'humain?
Non, décidément, aucun
écrit n'est sacré au point de lui sacrifier une vie, ni la sienne ni celle d'un
autre.


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